Histoire de la presse en Algérie : L’Écho d'Oran

Echo_Oran

Les débuts du journal

Tout commence en 1844 par la mort du sieur Chauvet qui détenait un brevet d’imprimeur de la ville.

Un ancien sous officier de l’Armée d’Afrique, le sieur Sadoux, recommandé par le Général de Lamoricière, a prétendu à sa succession et a présenté les justifications voulues pour exercer en lieu et place de Chauvet. Sa demande est transmise le 12 mars et Sadoux va obtenir rapidement un blanc- seing pour s’établir imprimeur à Oran. Il va ensuite formuler auprès du sous intendant d’Oran une autre demande « à l’effet d’obtenir l’autorisation de fonder un journal d’annonces judiciaires administratives et commerciales ayant pour titre l’Echo d’Oran ». La demande est transmise à Alger et le 12 septembre 1844 un arrêté du Gouvernement accorde l’autorisation demandée par Sadoux à charge pour lui de « ne rien publier, sur les mouvements militaires, l’état de situation et l’ordre dans ce pays, et sur la politique en général, d’autres sortes d’articles que ceux inscrits au Journal Officiel du Gouvernement lesquels pourront être reproduits sans commentaire, de faire paraître le dit journal le samedi de chaque semaine et d’en soumettre préalablement une épreuve à la signature de l’autorité civile supérieure».

Le 5 octobre 1844 le numéro zéro de l’Echo d’Oran, est publié. Le succès est au rendez vous. Sadoux engage à la rédaction le sieur François Adolphe Perrier, né en 1818 à Gorze en Moselle, et à qui ses sentiments pro-républicains dans ses anciennes fonctions de rédacteur en Lorraine ont valu d’être banni par la Monarchie de Juillet. (1)

 

Le numéro 1 de l’Echo d’Oran

Le numéro 1 est publié le 12 octobre 1844 (format 27,50/21,50). En première page, dans un article intitulé « PROSPECTUS », il fait l’éloge de la colonisation et poursuit par les publications à venir :

« La colonisation, conséquence du succès de nos armes qui l’on préparée avec tant de gloire, tend chaque jour à un nouveau développement, à de nouveaux progrès qu’il est impossible de nier aujourd’hui… » « L’Echo d’Oran à compris sa mission et saura la remplir » « Faire connaître, avec l’assentiment de l’autorité, les nobles et pénibles travaux de l’Armée de l’Ouest… » « Les actes de l’administration seront toujours publiés en entier… » « Nous rendrons compte aussi des décisions judiciaires notables et d’une utilité générale » « Nous produirons les mouvements du port, la liste des individus en partance, qui se seront fait afficher à la police à cet effet » « L’état civil (naissances et décès) sera constaté dans notre journal… » « Les statistiques relatives aux mouvements de la population ».

 

La consécration du sieur Perrier

Au début de l’année 1846 Sadoux est accusé de faux et de crime de concussion. Il se voit condamné le 18 février par le tribunal correctionnel d’Oran à 2 ans d’emprisonnement, confirmés par la Cour Royale d’Alger le 25 novembre. Perrier est ainsi nommé gérant provisoire par les autorités judiciaires. Il fait intervenir ses relations et le 26 octobre 1846 le cabinet du Ministre de l’Instruction publique écrit au Ministre de la Guerre «  je recommande à votre bienveillance M. Perrier gérant provisoire de l’établissement typographique de l’Echo d’Oran qui sollicite le privilège définitif de ce titre que j’entérine personnellement. Je vous serais très reconnaissant, s’il vous est possible de l’appeler au poste qu’il désire ».

Le 7 novembre, c’est le Gouverneur qui intervient en sa faveur auprès du Ministre. Nous relevons dans ce rapport « que le journal compte plus de 300 abonnés ». (1)

Finalement le Ministre octroie à Perrier l’autorisation de devenir gérant et imprimeur d’un journal d’opinion soumis aux mêmes sujétions qu’il était sous la direction de Sadoux. Le 1er janvier 1847 Perrier dirige ès qualités l’Echo d’Oran et va être, pendant plusieurs décennies, à la direction de cette feuille, au centre de tous les débats politiques importants.

Il va apparaître comme l’un de ces personnages centraux de la période, commentant les faits et gestes des autorités locales comme le général Pélissier, les préfets Majorel et Garbé. L’Echo d’Oran, par les variations de qualité de sa rédaction, par ses articles souvent passionnés voire irréfléchis, par ses débordements de toutes natures, va faire l’objet de nombreuses sanctions administratives.

 

Les suites du coup d’Etat du 2 décembre 1851 : Une polémique soulevée par l’Echo 

Le 17 décembre 1851, l’Echo publie un article très nettement contre la prise du pouvoir par Louis-Napoléon Bonaparte, et qui annonce la nouvelle avec « une profonde douleur »…

L’article de l’Echo d’Oran met le Ministre de la Guerre de Saint-Arnaud en fureur. Le 29 décembre, il souhaite attaquer en justice l’Echo et il en fait part au général Pélissier, Gouverneur intérimaire à Alger : « L’Echo d’Oran contient dans son numéro du 17 de ce mois un article infamant. Vous n’aurez sans doute pas attendu mes instructions pour faire donner l’ordre de poursuivre l’auteur de cet article et le gérant du journal devant le conseil de guerre de la division d’Oran »… (1)

Une affaire familiale de quatre générations

Après trois générations de Perrier ayant dirigé le journal, nous retrouvons sur les Echos d’Oran de 1962 le nom de Raoul Perrier. Président du conseil d’Administration de l’Echo d’Oran, Raoul Perrier est né à Alger le 1er juin 1914, fils de Lucien Perrier descendant d’Adolphe Perrier, a

été également directeur de la Dépêche Quotidienne d’Algérie. Mais dès 1945 le journal est dirigé par Pierre Laffont qui assurera la fonction de directeur général jusqu’à la nationalisation du quotidien en 1963.

Pierre Laffont, dernier de cette grande famille de journalistes, est né le 12 mars 1913 à Marseille et décèdera à Paris le 17 mars 1993. Il était l’arrière petit-fils, côté maternel d’Adolf Perrier. Son père, l’enseigne de vaisseau Raymond Laffont, fut à Marseille président de la Compagnie énérale Transatlantique et, à Oran, le représentant de Charles Jonnart, Gouverneur général de l’Algérie. Il épousa Nathalie Perrier et le couple aura deux enfants, Pierre et Robert. Ce dernier créa en 1941 à Marseille les éditions Laffont, transférées à Paris en 1945.

L’Echo d’Oran était le quotidien le plus diffusé : 80.000 exemplaires en 1936, 93.000 en 1938 et 120.000 dans les années 60.Pierre Laffont crée l’« Echo Dimanche » en 1948 qui sera tiré plus tard jusqu’à 42.000 exemplaires et l’« Echo soir » en 1949 jusqu’à 25.000 exemplaires. Il entre dans la politique à la naissance de la Ve République, sera député d’Oran-Campagne en 1958 sur la liste du docteur Sid Cara et siègera avec lui à l’Assemblée Nationale. Il démissionnera de son mandat en 1961 et assurera la présidence du syndicat des quotidiens jusqu’en 1962.

Le 6 février 1962, L’Echo d’Oran sort une édition spéciale de l’OAS tirée à 20.000 exemplaires. (2) (3)

 Yves Marthot

 

Pierre Laffont est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’Algérie notamment :

- L’Expiation (Plon, 1968)

- Histoire de la France en Algérie (Plon, 1980)

- L’Algérie des français (Trésor du Patrimoine, 1981)

 

Sources :

- (1) Jean Paul Marchand. « Cahiers de l’Illustration »

- (2) Pierre Laffont. « L’Algérie des français »

- (3) Who &  Who – Edition de 1959/1960