Les trésors du CDHA : Akhbar, journal de l'Algérie - année 1845

Ce journal AKHBAR (1) commence à paraître le 12 juillet 1839, les jeudis et dimanches jusqu’au 20 mai 1845, puis aussi le mardi pour 20 francs par an en Algérie et 25 francs pour « les autres points de la Régence et la France ». Son format devient grand in 8e à partir du n° 592 du mardi 5 juillet 1845.

Il est l’un des successeurs de « l’Estafette » qui fut, dès 1830, le premier journal paru en Algérie le 25 juin, mais pour 3 jours ! Il publie les annonces légales judiciaires, administratives et commerciales. Il sera suivi en 1844 de son équivalent, l’Echo d’ORAN.

Reliure des journaux "Akhbar" de décembre 1844 n°528 à fin 1845 n°658 - Fonds Bourlier

Le fondateur d’AKHBAR, Auguste Bourget, né en 1798, suivra habilement la ligne politique du moment. La presse algérienne gardera néanmoins une grande liberté d’expression, comme en témoignent les articles de fond sur les différents aspects économiques et politiques de la colonisation. Auguste Bourget décède le 9 février 1862.

Revenons aux informations des journaux de l’année 1845. Ce qui frappe le néophyte, c’est le niveau de sophistication du journal qui relate les mouvements de passagers, les petites annonces (emploi, immobilières, commerciales), les listes de prix, les informations judiciaires, le feuilleton aux thèmes variés, les nouvelles de la guerre contre Abd el Kader, l’intérêt pour la vie du bled et les pratiques musulmanes, les informations relatives aux différentes régions, tout cela sur 4 grandes pages et 3 fois par semaine ! On retire le sentiment d’un pays en pleine effervescence, avec des villes dynamiques, ALGER étant extrêmement bien organisée et administrée et en tous points semblable aux villes métropolitaines, avec en plus les différents mouvements maritimes de passagers et de marchandises avec le bassin Méditerranéen, tout cela 15 ans seulement après l’arrivée des Français !

Ceci contraste avec les évènements du bled où la guerre contre les tribus alliées à Abd el Kader fait rage, les alliances se faisant avec certaines tribus contre leurs voisines, cette guerre dont les terribles tragédies ont endeuillé l’année 1845 comme celle des grottes du DAHRA avec plusieurs centaines de victimes par asphyxie de la tribu Ouled Rhia, qui provoquèrent la réaction indignée du colonel Eugène Dubern et celle du fils du maréchal Ney à la chambre des Pairs. Une autre tragédie : l’embuscade de SidiBrahim suite à une trahison, où 5 chasseurs à pied sur 450 survécurent recueillis par le caïd Nekkach.... l’AKHBAR du mardi 30 septembre 1845.

Le contexte en France était celui de l’instabilité permanente de la Monarchie de juillet ( 1830 - 1848 ) qui créait les conditions d’une répression brutale des émeutes dont celles de 1831,1834, juin et juillet 1848 à PARIS, provoquées par la situation de la classe ouvrière, les épidémies, les mauvaises récoltes de 1846. Beaucoup d’émeutiers ou d’opposants politiques de 1848 et 1851 furent « transportés » en Algérie.

Il est de règle que les articles, tout au moins ceux de 1845, ne soient pas signés, la responsabilité de la ligne éditoriale incombant au directeur de la publication.

Quelques exemples :

- Jeudi 6 mars 1845 n° 552 : La page d’annonces. A noter les cours d’Arabe.

- Mardi 9 mars 1845 n° 553 : Explosion des parcs d’Artillerie et de la Marine à Alger.

Cette catastrophe, qui détruisit le quartier de la Marine, fit de nombreuses victimes civiles et militaires.

- Jeudi 24 avril 1845 n° 566 : Feuilleton « Un carrousel dans la plaine de Mustapha » où apparaît le mot « nostomanie » ou nostalgie du pays.

- Jeudi 1er mai 1845 : intéressant article sur le boisement en Algérie, avec des préoccupations troublantes d’actualité, tremblement de terre à Douéra et invasion de sauterelles vers Alger et Bougie . Dans la rubrique judiciaire, la condamnation d’un médecin « dont les désirs désordonnés et contre nature bouillaient dans son cerveau despotique » abusant de patientes sans défense.

- Mardi 15 juillet 1845, en dernière page la création du village de Fontainebleau et une annonce sur « les maladies secrètes ».

- Mardi 3 juin 1845 n° 580, feuilleton Théâtre : « Ernani » joué à Alger par une troupe italienne.

- Jeudi 12 juin 1845, feuilleton : « Une fête chez les Beni -Hemmena : la circon­cision d’un jeune garçon ». Promenade en bateau à vapeur à Sidi Ferruch.

- 19 juin 1845, un pèlerinage à la Mecque : narration de Mohammed Ben Lekhal.

- Les annonces des étrennes de Noël 1845 et jour de l’an 1846.

Alain Monot

Extrait du Mémoire Vive n°68

(1) - On lit sur la page de garde : « payé à Legendre le 24 février 1891 ; La reliure de ce journal à Alger coûte 3 francs ».

- Le mot arabe « Akhbar » se traduit par « Nouvelles » à ne pas confondre avec akbar, superlatif de kabir, qui signifie : le plus grand.