Le recrutement en Algérie

Recrutement vaccination Algérie

Les Troupes Indigènes (Tirailleurs et Spahis Algériens) ont été recrutés depuis l'origine jusqu'à 1912 uniquement par la voie du volontariat. Pour les citoyens français, donc européens, l'évolution a été très différente. C'est un décret de 1864 qui rend la loi française sur le recrutement applicable à l'Algérie. Elle ne s'appliquera donc ni aux étrangers (et ils sont nombreux) ni aux indigènes quel que soit alors leur statut civil - musulman ou juif.

Cette loi est à cette époque la loi Soult, modifiée à plusieurs reprises. Elle concerne tous les hommes de plus de vingt ans qui sont soumis à un tirage au sort. Celui-ci désigne ceux qui feront un service actif de sept ans. Les autres forment une réserve appelable en temps de guerre.
Pour l'Algérie, et pour permettre la défense des villages peuplés d'Européens, on a depuis longtemps constitué une milice (analogue à la garde nationale métropolitaine) mais dans laquelle les étrangers peuvent servir à la double condition d'être volontaires et d'être acceptés par le Commandant de Subdivision.

La loi Niel de février 1868 est applicable à l'Algérie. La durée du service militaire est fixée à cinq ans et cinq mois.
Les événements de la fin de 1870 à Alger et dans d'autres villes amènent la dissolution de la milice.

Le décret Crémieux du 24 octobre 1870 fait des Israélites algériens des citoyens français. Ils sont donc soumis à partir de 1871 à l'obligation du service militaire, comme tous les Français.

C'est la loi du 8 novembre 1875 qui rend applicable à l'Algérie la loi du 22 juillet 1872, mais en l'aménageant sérieusement. Le tirage au sort est conservé mais, pour l'Algérie, les recrues sont divisées en deux groupes ; certains feront le temps plein de service, soit plus de cinq ans. Les ruraux seront rendus plus rapidement à la vie civile, mais seront constitués en réserve activable au premier besoin afin de remplacer la milice qu'il avait fallu reconstituer en catastrophe au moment de la révolte de Mokrani. Notons en passant que cette loi du 8 novembre 1872 enlève à tous les militaires en activité leur droit de vote.

La loi du 21 mars 1905 transforme complètement le recrutement de l'Armée. Désormais, tous les jeunes gens aptes physiquement à servir effectueront un service militaire (service actif ou service auxiliaire en fonction de la condition physique) plus court, puis passeront dans la réserve. Le but de ce système est de pouvoir disposer en cas de guerre de contingents plus nombreux et déjà formés. L’article 89 de cette loi la rend applicable à l'Algérie, à la Tunisie, à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane et à la Réunion.
Jusqu'à présent il n'a été question que du service militaire des citoyens français donc, en Algérie, des Européens et des Israélites ayant la qualité de citoyens. Aucun de ces textes n'est applicable aux Musulmans français.

Le premier texte qui définit les conditions dans lesquelles ces Musulmans peuvent être appelés à servir à un autre titre que celui du volontariat est le Décret du 3 février 1912.
Ce texte soumet les jeunes Musulmans à un service militaire obligatoire par appel sous les Drapeaux après tirage au sort. La liste du contingent annuel est dressée par commune de plein exercice et par commune mixte.
Le contingent total à appeler est fixé chaque année par le Ministre de la Guerre après consultation du Gouverneur Général de l'Algérie. Ce contingent global est divisé en contingents par commune (de plein exercice ou mixte) au prorata de leurs populations respectives.
L'alinéa 2 de l'article 18 de ce décret stipule que :
 « S'il se présente un certain nombre de jeunes gens demandant à accomplir volontairement leur service dans les conditions déterminées au présent titre (de la présente loi) , les premiers numéros leur seront attribués de droit et leur nombre sera défalqué du contingent à fournir par la commune ».
L'article 25 de ce décret stipule que :
« Les appelés ont, au point de vue de la solde, le même traitement que les engagés volontaires indigènes de leur arme ou service. Ils ont droit à une prime d'incorporation de deux cent cinquante francs (en 1911) dont cent cinquante francs payables au moment de l'appel sous les drapeaux et cent francs payables après deux ans de service ».
Cette disposition assimile presque complètement appelés et vrais volontaires, mais il subsiste une différence importante : si ces derniers voient leur droit à une retraite proportionnelle ouvert dès leur premier jour de service, les premiers n'en bénéficient en aucune manière.
L'article cinq de ce décret a fixé la durée du service militaire des indigène à trois ans.
Ce décret a été modifié un certain nombre de fois, surtout pour modifier la durée du service militaire, mais ses dispositions essentielles :
- tirage au sort des recrues
- assimilation de ces recrues aux soldats servant comme engagés volontaires en matière de solde et de prime ont été conservées pratiquement jusqu'à la fin de l'Algérie Française.
Alors, en temps de paix et en temps de guerre dans les casernes d'Algérie, on trouvait deux sortes de jeunes soldats : ceux qui deviendraient citoyens français à l'âge de 21 ans, et qui touchaient un prêt qui leur permettait d'acheter leur tabac et de boire de temps en temps un coup au foyer, et les indigènes du même âge qui percevaient une solde nettement plus conséquente.

Après la guerre de 1914-1918, ce système a permis de fournir en recrues non seulement les régiments de l'Armée d'Afrique, mais aussi les régiments « nord-africains » de la métropole. Le 42ème  régiment d'Artillerie était l'un de ceux-ci. Et il conserve encore actuellement sur son insigne le croissant des troupes nord-africaines.

Après 1941, pendant toute la période pendant laquelle le décret Crémieux a été suspendu, les israélites algériens n'ont plus été soumis à la loi française sur le recrutement mais à celle applicable aux indigènes algériens. Ils ne furent de nouveau soumis au recrutement des citoyens français qu'après la décision du Général de Gaulle, au printemps 1943, de remette en application le Décret Crémieux. Un bon nombre d'Israélites algériens se sont engagés dans le Corps Franc d'Afrique ou, après la libération de Tunis en mai 1943, dans la Première Division Française Libre ou dans la Deuxième Division Blindée.

Avant de conclure ce chapitre il est bon, je crois, de préciser que ce décret organisant le recrutement des indigènes Algériens n'a jamais concerné ni les Tunisiens, ni les Marocains. Les sujets du Dey de Tunis et ceux du Sultan du Maroc ont pu s'engager dans des formations militaires comptant dans l'armée française, mais n'y ont jamais servi comme appelés, uniquement comme volontaires.
A la lecture de ce qui précède, on comprend mieux les effectifs appelés entre 1942 et 1948 pour constituer d'abord les unités qui, sur le sol Tunisien, tiendront tête aux troupes italo-allemandes, puis qui constitueront le Corps Expéditionnaire Français en Italie, puis la Première Armée Française et la Seconde Division Blindée 2ème  D.B.) ;

Indigènes Algériens
Ont été appelés en Algérie en 1942 — 1943 :
Cent trente quatre mille hommes sur une population totale de six millions deux cent soixante quatorze mille habitants, soit une proportion de 2,136%

Indigènes Tunisiens
Se sont engagés volontairement :
Vingt six mille hommes sur une population totale de deux millions trois cent quatre vingt quinze mille habitants, soit une proportion de 1,089%

Indigènes Marocains
Se sont engagés volontairement :
Soixante treize mille sur une population totale de six millions soixante mille habitants, soit une proportion de 1,205 %

Européens d'Afrique du Nord
Ont été appelés en Algérie, Tunisie et Maroc
Cent quatre vingt mille hommes sur une population totale de un million cent vingt cinq mille soit une proportion de 16 'Vo

A ce chiffre d'hommes mobilisés il convient d'ajouter celui des jeunes femmes  d’Afrique du Nord qui se sont portées volontaires pour prendre une place dans le combat. Elles furent quatre mille.

Maurice BEL

Extrait du Mémoire Vive n°44