Les trésors du CDHA : Voyages de Mr Shaw en Barbarie et au Levant

Les deux tomes de la traduction française de l’ouvrage de Monsieur Thomas Shaw, datée de 1743, constituent l’un des trésors du Centre de Documentation Historique de l’Algérie provenant de la donation de M. Philippe Bourlier (1).

Thomas Shaw est décrit par ses contemporains comme un homme exigeant, mais avec un bon caractère, empreint de jovialité et d’humour. Il est né en 1694 à Kendal, Westmoreland, au nord-ouest de l’Angleterre, tout proche de l’Écosse. Il obtient au Queen’s College d’Oxford un Bachelor of Arts (B.A.), où est enseigné le Trivium ( grammaire, logique, rhétorique ), puis en 1720 un Master of Arts (M.A.) enseignement du Quadrivium qui comporte l’étude des quatre sciences mathématiques : arithmétique, musique, géométrie, astronomie.

Nommé cette année-là aumônier du comptoir commercial ( factory ) anglais d’Alger, il entreprend des voyages en « Barbarie » autrement dit : Algérie, Maroc qui seront relatés dans le tome I et vers la Terre Sainte, Tunis et les ruines de Carthage, la Tripolitaine, l’Égypte et le Sinaï, la Jordanie, province Romaine de Petra, Jérusalem dans le tome II. Sa curiosité d’« honnête homme » du 18ème siècle est pluridisciplinaire. Il s’intéresse à la faune, la flore, aux vestiges anciens, statuettes, monnaies mais aussi aux moeurs des autochtones. Il se dirige à la boussole, fait le point à l’aide d’un cercle ( sextant ) et peut ainsi corriger la longueur de ses étapes et faire des relevés topographiques. Il s’inspire des tables itinéraires de Peutingen établies par les Romains. Il traite de sujets aussi variés que le Natron(2), les mesures de la pyramide de Memphis, la liste des évêchés de l’Église d’Afrique. Nous y trouvons de nombreuses illustrations, cartes anciennes, planches d’herbier, reproductions de statuettes, d’animaux, de fossiles… une merveille !

Les travaux d’Hérodote historien et géographe, Strabon, Pomponius Mela, géographes, Pline l’ancien naturaliste, sont étudiés et comparés à la situation qu’il rencontre. Par ailleurs, il mentionne les naturalistes français : Les « Voyages dans les Régences de Tunis et d’Alger » de Peyssonnel, médecin naturaliste, en 1724-1725 et Desfontaines, également médecin naturaliste, de 1783 à 1786 sont relatés dans une édition de 1838 dont la préface fait l’éloge de Thomas Shaw.

De retour en Angleterre en 1733, il est gratifié de nouveaux titres universitaires et honorifiques.

Plusieurs ouvrages édités en anglais en 1729 sur le royaume de Tunis et en 1738 sur les voyages en Barbarie et au levant déboucheront sur l’édition de 1743. Thomas Shaw mettra un point d’honneur à apporter des rectifications à chaque fois qu’il aura des informations complémentaires ou contradictoires. Les versions hollandaise et allemande seront disponibles en 1780.

 

Les éditeurs traducteurs de la version française sont Étienne de Bourdeaux, libraire du Roi et de la Cour de Prusse établi à La Haye en 1736, et Jean Neaulme, qu’il rejoindra à Berlin en 1743. La nouvelle version française traduite par Mac-Carthy sera éditée en 1830 en 8 volumes agrémentés de toutes les corrections survenues entre-temps. Nul doute que l’expédition française à la conquête d’Alger s’en soit inspirée. Il décède en 1751 entouré d’honneurs. Une plaque commémorative lui est dédiée au temple anglais d’Alger.

Ces livres si précieux ne sont consultables qu’au CDHA, mais nous conseillons de vous procurer l’édition moderne en librairie, si vous souhaitez en profiter pleinement : Voyages de Thomas Shaw v2 ISBN-10 : 1162034033 ISBN-13 : 978-1162034034

(1) La donation Bourlier concerne une bibliothèque importante datée majoritairement de 1667 à 1910. Elle a été cédée généreusement au CDHA en mars 2013 par Philippe Bourlier, descendant de Charles Bourlier. Il s’agit principalement de la bibliothèque personnelle de ce dernier, homme politique français né le 5 avril 1830 à Langres ( Haute-Marne, France) et décédé le 13 février 1903 à Reghaïa (village proche d’Alger). Professeur à l’Ecole de Médecine d’Alger, directeur de la revue horticole de l’Algérie, Charles Bourlier fut aussi membre du Conseil supérieur de gouvernement en 1873, puis maire de Saint- Pierre-Saint-Paul (village proche d’Alger) en 1875 et conseiller général. Député de l’Algérie de 1885 à 1898, il siégea au groupe de l’Union républicaine.

 (2) Natron : Minéral, carbonate de sodium à usages domestiques multiples connu depuis l’Egypte Ancienne.

Alain Monot

Extrait du Mémoire Vive n°66