L’Eperon fortifié de SIDI-MEDJAHED en Algérie

L’Eperon fortifié de SIDI-MEDJAHED en Algérie

SIDI-MEDJAHED, en Algérie, est un gros village situé à 13 km au Sud-sud-est de MARNIA, le long de la voie ferrée qui relie l’Algérie au Maroc. Le village surplombe les méandres de la Tafna. Creusé à 1 km 300 à l’Est du village un de ces méandres a la forme très particulière d’un pédoncule. 15 mètres au-dessus de ce pédoncule s’élève,  à  432 mètres  d’altitude,  un  éperon  rocheux  dont   le  sommet  est  un  plateau  régulier  d’une superficie d’environ  6 hectares.

 

Le plateau sur l’éperon de SIDI MEDJAHED en 2017, vu du Sud vers le Nord

Sur ce plateau, au début de l’année 1955 un agriculteur labourait son champ. Sa charrue a heurté un énorme bloc de pierre contre lequel il a failli briser son soc. Il a dégagé la pierre sur laquelle était sculptée une énorme rosace à six pétales inscrite dans un cercle. C’était  un chapiteau. Conscient de l’importance de sa découverte il a averti les autorités locales qui ont estimé être sur les vestiges d’un site très ancien dont il s’agissait de déterminer les limites dans l’espace et dans le temps ainsi que la raison d’être.

Aussitôt des fouilles ont été menées, dès le mois d’avril 1955. Sur le plateau elles ont dégagé un village fortifié, protégé de remparts, et alimenté d’un silo à grains souterrain qui lui permettait de survivre en cas d’attaque prolongée.

Les fouilles de 1955

A quand remonte la construction de cette fortification et quelle en était la justification ?   

Rappelons que les Romains ont occupé l’Afrique du Nord pendant six siècles, depuis le milieu du IIème siècle avant Jésus-Christ jusqu’au IVème siècle après Jésus-Christ. Au Vème siècle les Vandales chassent les Romains et envahissent l’Afrique du Nord. Puis au VIème siècle l’Afrique du Nord est reconquise par les Byzantins orthodoxes qui tenteront d’y régner tant bien que mal jusqu’à l’invasion Arabe du VIIème siècle.

A la chute de l’Empire romain l’Afrique du Nord se christianisme, héritage des Romains. Au cours des trois siècles qui ont suivi, c'est-à-dire du IVème siècle jusqu’à l’invasion Arabe du milieu du VIIème siècle, l’Afrique du Nord et ses populations berbères étaient entièrement christianisées. Les tribus autochtones berbères, tentaient tant bien que mal de dominer la scène politique et religieuse de leurs territoires à l’encontre de leurs envahisseurs.

C’est dans ce contexte qu’au sommet d’un éperon qui domine un méandre de la Tafna fut édifié au VIème siècle le camp fortifié de SIDI-MEDJAHED. Pourquoi un camp fortifié ? Parce que les Berbères, jaloux de leur indépendance bafouée, cherchaient à s’opposer militairement à la pénétration de leurs conquérants. Tout comme les Romains, ils défendaient leurs frontières face aux envahisseurs vandales et aux nomades du Sud, en l’occurrence à 12 km au sud du limes passant par MARNIA. Pour être plus précis, l’éperon fortifié de SIDI-MEDJAHED était sans doute « une place forte établie par MASUNA, roi d’ALTAVA (508-535) pour la défense de son petit royaume. »  (C.I.L. VIII, 9836 = Dessau, I.L.S. 859).

Comment a-t-on été capable de dater l’existence de ce fort ?                                    

Les fortifications de SIDI MEDJAHED étaient flanquées de quatre portes dont trois sur leur face Est. Les fouilles de 1955 qui ont dégagé ces portes ont relevé, gravée sur la porte septentrionale du bastion, une inscription en latin « TERNATENELAVRENTI ». L’interprétation de l’inscription est encore douteuse. TERNATEN pourrait rappeler un lieu du même nom à l’époque, dans la région de FRENDA en Oranie, dont LAURENT aurait été le chef. Il est toutefois certain qu’elle nous amène aux royaumes berbères christianisés du VIème siècle de MASUNA et de MASSONAS (Courtois, l.l., pages 333 et suivantes et Carcopino, le Maroc antique, pages 297 et 298).

Nous n’en voulons comme preuve complémentaire que le chapiteau découvert par le paysan en 1955. La rosace à six pétales fut un des motifs majeurs de l’art préroman chrétien entre le Vème et le Xème siècle.

Comment se sont déroulées les fouilles de 1955 ?

Les fouilles entreprises en 1955 à SIDI-MEDJAHED sont les seules recherches qui aient été faites sur ce site. Pourtant des textes anciens mentionnent une inscription de MASUNA, roi d’ALTAVA, (C.I.L. VIII, 9836 = Dessau, I.L.S. 859) dans laquelle sont citées deux agglomérations, SAFAR et CASTRA SEVERIANA qui n’ont jamais été identifiées. D’après Courtois (I.l. page 334) CASTRA SEVERIANA se situait sur les limes romaines à partir du IIIème siècle. Cela pourrait bien être le bastion de SIDI-MEDJAHED.

Les fouilles de 1955 ont été menées sous la direction d’Emile JANIER, archéologue de l’Ouest Oranais (père de l’auteur), accompagné de Marcel COUVERT, instituteur des BENI BAHDEL, et de Jean MARION, inspecteur du service des antiquités du Maroc. Quatre ouvriers avaient été embauchés pour exécuter ces travaux d’excavation. Les fouilles n’ont duré que quinze jours, pendant les vacances scolaires du mois d’avril 1955. Ce fut insuffisant. Voilà pourquoi seuls les remparts du fortin ont pu être dégagés, mais pas l’intérieur du bastion. Un compte rendu de ces fouilles a été publié en 1959 par Jean MARION « l’éperon fortifié de SIDI MEDJAHED (Oranie) », Libyca, Archéologie, Epigraphie, t. VII, 1er semestre 1959, pages 27 à 41.

Le fortin de SIDI-MEDJAHED est construit sur un éperon rocheux qui domine un méandre de la Tafna sur 15 mètres de dénivelée. La base de l’éperon est constituée par une coupure dans le rocher, presque verticale, semblable à une faille naturelle, mais peut-être aménagée par l’homme pour la rendre encore plus inaccessible. N’était-ce pas suffisant pour se protéger naturellement contre toute attaque éventuelle ? La pente, abrupte de tous les côtés, n’est accessible que vers la pointe Nord du site, et c’est de ce côté-là seulement que des remparts très épais ont été construits pour protéger l’éperon sur une centaine de mètres du côté Ouest, et sur 140 mètres du côté Est. Plus près du pédoncule, des remparts étaient évidemment inutiles puisque l’éperon tombe à pic des deux côtés sur la Tafna.

Les remparts :                                                                      

Les remparts sont constitués dans l’ensemble par un blocage grossier, mais extrêmement solide, de pierres non taillées d’assez grosses dimensions, noyées dans le ciment, mais sans former de lits réguliers. Il y a souvent des vides entre les pierres. Cette méthode de blocage intérieur apparaît nettement aux endroits où le rempart a été éventré. C’est le cas de la Porte n°2. Contre le blocage la paroi est en moellons de moyen appareil, en général taillés, parfois bruts mais choisis pour leur forme régulière.

La paroi en moellons disposés contre le blocage

Dans le rempart de l’Est le blocage repose toujours sur une assise de hauteur variable, réalisée avec de très grosses pierres de taille qui atteignent et même dépassent un mètre de côté. Ces pierres de taille, en grès gris blanchâtre, sont piquetées. Le piquetage forme des lignes parallèles de tous petits points ce qui signifie que l’instrument de taille devait être un pic très pointu. En plus de ces traces de piquetage, 22 pierres présentent des marques de tâcheron. Là où la fouille atteint les fondations on voit que cette assise repose elle-même sur un petit soubassement posé sur le roc naturel et constitué de blocs de formes assez régulières qui dépassent de 20 à 30 cm.

Les portes :

Les remparts sont percés de quatre portes dont une à l’Ouest que l’on appellera la P1, et trois à l’Est que nous qualifierons de P2, P3, P4, ainsi que d’une tour de guet, la P5.

Sur la façade Ouest du bastion le mur d’enceinte est continu sur une centaine de mètres, assez grossièrement construit ce qui fait qu’il est aujourd’hui dans un état plus détérioré que sur la face Est. La paroi a souvent disparu et on ne voit que le blocage. La muraille repose directement sur le roc, très rarement sur une assise.  On ne franchit le rempart grossier de la façade Ouest que par la P1.

Cette porte devait être l’entrée principale du bastion puisqu’elle est d’un accès moins abrupt que vers les autres portes, et parce que les vestiges qui y subsistent sont indéniablement ceux d’une porte monumentale. Hélas ces restes ont été cannibalisés. Toutefois parmi ces vestiges ont été retrouvés, couchés à terre, deux piliers monolithes quadrangulaires de 2,30 m de hauteur (c’était les deux  jambes de la baie) et un linteau, monolithe également, d’une longueur de 2,14 m, portant des traces de moulures. De toute évidence ce linteau reposait au-dessus des deux montants latéraux. Un peu à l’intérieur, à 4,50 m de la porte et dans une direction parallèle au rempart, se dressent deux autres piliers de 1,80 m de hauteur, debout dans le sol. Il semblerait que ces piliers soient érigés d’origine. Ils ont un écartement de 1 mètre et paraissent se rattacher à l’ensemble monumental de la P1.

Les deux piliers monolithiques debout dans le sol                                                                   Le linteau de la Porte n° 1  

Sur la façade Est se trouve d’abord la porte la plus septentrionale, la P2. Cette porte est, à plusieurs titres, la plus intéressante de toutes les ouvertures des remparts du fortin.

Les montants de cette porte ont 1,60 m de hauteur (contre 2,30 m à la P1) et la largeur de la porte n’est que de 70 cm. Le mur du dessus est constitué de moellons de moyen appareil. La face externe de la muraille est moins soignée que la face interne. Les pierres de tailles sont fréquemment remplacées par des blocs de formes irrégulières, un crépi de chaux recouvrant largement les joints. La belle disposition en lits de grosses pierres de taille reprend immédiatement après la porte, vers l’extérieur, et jusqu’à quelques mètres de la tour d’angle.

De part et d’autre de la porte, vers l’intérieur comme vers l’extérieur, le sol primitif a été atteint. Il est de couleur jaune ocre, d’un grès qui se décompose en formant une terre sableuse extrêmement compacte.

Le sol monte en pente très douce de la porte vers l’intérieur. Le seuil de la porte est constitué par deux pierres minces mises bout à bout, et le sol est pavé de dalles assez irrégulières recouvertes d’une couche de chaux.    De part et d’autre de la porte, vers l’intérieur et vers l’extérieur, la partie supérieure de la muraille s’est écroulée et le sol antique est totalement recouvert des blocs ainsi détachés. Les blocs ont écrasé et enfoui de très nombreux tessons de jarres et de vases à très larges panses dont nous reparlerons plus loin.             Parmi les découvertes les plus précieuses faites dans la P2, citons les ferrements du battant, en bois probablement, qui assurait la fermeture de la porte. Dans le montant Sud de la P2, contre la face interne de la muraille qui s’étale sur 50 cm de largeur et 60 cm de hauteur, à 40 cm au-dessus du sol, la pierre de taille est remplacée par quelques tout petits blocs de grès liés au ciment, entre lesquels a été creusée une cavité de       20 cm environ de profondeur où sont scellés au plâtre ces ferrements. Exactement au-dessous ont été trouvés quelques clous en cuivre et une patte de scellement, en cuivre également, qui se termine du côté opposé par un anneau. De toute évidence ces clous devaient faire partie du système de fermeture de la porte.     Deux autres découvertes ont également été faites dans la P2, encore plus importantes à nos yeux, parce qu’elles nous permettent de dater la construction du bastion de SIDI MEDJAHED.                                              Sur la face Nord de la plate-forme qui précède la porte à l’extérieur on peut lire une inscription tracée à la pointe sur le crépi de chaux qui recouvre les blocs de pierres de taille. L’inscription s’étale sur une longueur de 61 cm et une hauteur de 7 cm. Elle est composée de 17 lettres en caractères romains :                                                                                                                

TERNATENELAVRENTI     

Certains de ces caractères peuvent porter à confusion, à commencer par la première lettre qui pourrait très bien être un « I » majuscule ou un « T » majuscule. La forme des lettres « A » et « R » est elle aussi particulière. Ces doutes rendent l’interprétation de ce texte quelque peu évasive. Compte tenu de la forme des lettres on pourrait tout de même considérer qu’il s’agit du toponyme TERNATEN lequel désigne le troisième djedar de la région de FRENDA en Algérie. (Les djedars sont des monuments funéraires des Vème et VIème siècle situés à FRENDA et dans lesquels sont enterrés les rois berbères qui ont régné en Afrique du Nord à cette époque-là, juste après le départ des Romains). Quant au suffixe LAVRENTI, il pourrait tout simplement signifier que le nom du chef était Laurent. Il n’en demeure pas moins que toute lecture, quelle qu’elle soit, de l’inscription ainsi que la facture des fortifications, sur lesquelles elle a été gravée, convergent vers l’existence dans cette région de l’Afrique du Nord des royaumes berbères du VIème siècle de MASUNA et MASSONAS (Courtois, l.l., pages 333 et suivantes).

Sur le montant Sud de la P2, contre la cavité scellée au plâtre du dispositif de fermeture de la porte, on a relevé une autre inscription, gravée dans un bloc de grès gris sur 72 cm de longueur et 46 cm de hauteur. Cette nouvelle inscription, assez grossière, a été taillée en lettres piquetées comme le sont les marques des tâcherons qui ont découpé les blocs de pierre du fortin. L’inscription compte neuf lettres en caractère romains :

                                    VERECVNDE                                                          

L’interprétation de cette seconde inscription est moins douteuse que la première. Il s’agit sans aucun doute de la forme locale du surnom du carrier, Verecunde pour Vererundus, qui a détaché puis ajusté les blocs de pierre ayant servi à la construction de la porte. En langue françaiss on l’aurait appelé « le discret ». La barre oblique du « V » de ce cryptogramme se prolonge au-dessous de l’inscription jusqu’à dessiner, toujours par coups de pique, soit un cœur, soit un chapiteau stylisé.

La P3 semble avoir été l’entrée principale du côté Est du fortin. Elle n’est pas constituée d’une seule et large entrée. Elle se compose de deux petits portillons latéraux qui donnent accès au site de part et d’autre d’un muret construit sur le devant de la porte, comme une chicane. Au portillon Sud les assises de pierres de taille atteignent 1 mètre 60 de hauteur chacune. L’un des deux montants du portillon Nord est en pierres de taille. Une cavité est creusée à l’intersection entre deux pierres, à hauteur de la ceinture, pour loger un dispositif de fermeture que nous avons déjà  décrit avec la P2 laquelle est équipée du même système de clôture. Le second montant de la P3 est presque tout en moellons de moyen appareil avec une seule pierre de taille dont la marque du tâcheron est un bol à manche.

La porte n°3 et sa chicane

La P4 est la porte qui se trouve le plus au sud de l’édifice fortifié de SIDI MEDJAHED, sur sa face Est. Dans cette porte on ne retrouve la disposition régulière des moellons qu’au niveau des deux montants de la porte. Ces montants sont détruits à 75 cm du sol. Les parois de la plate-forme qui précède la porte à l’extérieur sont en moellons non taillés, de moyen et petit appareil, un crépi de chaux recouvrant largement tous les joints.

La porte n°4

La P5 est une tour de guet. Elle est située entre la P3 et la P4, à l’arrière du fort, pour surveiller l’accès au bastion par la terre au Sud ou par la rivière à l’Est, dans le sens du courant. Tout comme les portes, cette tour repose sur une assise de grosses pierres de taille elles-mêmes disposées sur le roc et qui constituent le blocage. Une de ces pierres mesure 1,34 m de long sur 0,35 cm de hauteur. C’est la plus grosse pierre de tout le site. Contre le blocage sont apposés les moellons, plus réguliers, de la paroi.

Nous n’avons aucune idée de la taille que pouvait atteindre la tour de guet. L’embase qui subsiste aujourd’hui ne dépasse pas le mètre 80.

La tour de guet à l'arrière du fort

Les marques des tâcherons :

Toutes ces portes sont recouvertes, du moins à l’extérieur, de pierres de taille qui ont été extraites puis découpées par plusieurs tâcherons. Chacun de ces carriers a tenu à laisser sa signature sur chacun des blocs de pierre qu’il a confectionnés. Il a été dénombré au moins 22 marques de tâcherons. Le trait par lequel les marques ont été gravées n’est jamais plein, il est dans tous les cas piqueté.

Ces marques ont été relevées dans la position où elles se présentent à nous. Les pierres de taille ont été  évidemment utilisées en tenant compte de leur forme et de leurs dimensions, mais certainement pas en cherchant à faire apparaître la marque du tâcheron. Ainsi, telles qu’on les a découvertes, plusieurs marques apparaissent à l’envers.

Les marques des tâcherons varient selon chaque carrier. Certaines sont des lettres romaines, d’autres sont des pictogrammes. On peut très bien assimiler à une marque de tâcheron le dessin piqueté, soit un cœur soit un chapiteau, qui accompagne l’inscription VERECVNDE découverte gravée sur le montant Sud de la P2. Notons qu’on retrouve au Tombeau de la Chrétienne, dans la région de TIPAZA en Algérie, un de ces signes relevés à SIDI MEDJAHED. Il épouse la forme d’un nœud papillon.

Les marques des tâcherons relevées sur les pierres de taille du fortin de SIDI MEDJAHED

Les autres trouvailles de SIDI MEDJAHED :

Lors des fouilles de 1955 à SIDI MEDJAHED, pendant que les ouvriers dégageaient les remparts et leurs quatre portes, les archéologues fouillaient ça et là, au petit hasard, les cinq hectares de terre que protégeait le fortin. Bien que les travaux n’aient pas été menés au terme des découvertes escomptées, outre des pierres de taille et des clous de porte, on a ainsi retrouvé sur le site, pêle-mêle, quelques autres curiosités qui méritent d’être signalées.

Nous l’avons dit, les blocs qui constituaient la partie supérieure de la muraille dans laquelle a été construite la P2 se sont effondrés, écrasant et enfouissant dans leur chute de nombreux tessons de jarres et de vases. Il s’agit de poteries communes. Parmi les jarres ainsi découvertes il en est une qui porte, tracée dans l’argile crue, une croix chrétienne d’un trait extrêmement fin comme dessiné avec une aiguille.

Deux vases ont pu être reconstitués, l’un de 21 cm de haut sur 18 cm de diamètre (anses non comprises), l’autre d’une hauteur de 13,5 cm sur un diamètre de 9 cm.

Au cours des fouilles quelques fragments de verre irisé ont également été déterrés.

Au-dessus des blocs effondrés de la muraille de la P2 était une couche d’argile de 2 cm environ d’épaisseur donnant l’impression d‘avoir subi l’action du feu. Puis 60 cm plus haut encore une autre couche, épaisse de 2 cm, couvrait l’ensemble constituée de coquilles d’escargots. Pareilles couches de coquilles d’escargots furent également découvertes en d’autres lieux du site. De là à penser que ces gastéropodes constituaient une part importante de la nourriture des occupants du fortin, il n’y a qu’un pas à franchir.   

Creusées dans le travertin déposé sur le sommet du plateau de SIDI MEDJAHED se trouvent cinq cavités rectangulaires éparses qui pourraient avoir été des tombes. Leur fouille n’a rien donné de probant hormis quelques tessons insignifiants et un fragment d’objet probablement en laiton.

Plus importante est la découverte de trois autres cavités, rondes et régulières, visibles à l’œil nu à l’extrémité Nord du plateau, creusées profondément dans le travertin  par la main de l’homme sur une profondeur de deux mètres, et au fond desquelles on a retrouvé des restes de blé dont l’état de décomposition laisse supposer qu’il moisit là depuis plusieurs siècles. C’étaient les silos à grains de la garnison.

Toujours sur la partie du plateau protégée par les remparts du bastion, un bassin a été dégagé d’un mètre de diamètre sur 50 cm de profondeur. Il fut creusé dans le roc et recouvert d’un enduit dans sa partie intérieure.

Le bloc d’un autre travertin couché à même le sol porte sur sa face verticale deux petites cavités équarries intentionnellement, plus hautes que profondes, semblables à celles qui sont parfois creusées dans le mur du chœur des petites églises rustiques et où l’on dépose les burettes.

Sur le sommet du plateau on a ramassé également un fragment de  hache polie plate, presque rectangulaire, en roche noire à grain extrêmement fin. Le tranchant de la hache, long de 3 cm, est très peu incurvé, très bien poli et très bien conservé. Le reste de la hache est moins bien poli, simplement piqueté par endroits. La hache a une longueur totale de 51 mm et une largeur de 37 mm pour une épaisseur de 19 mm. Trouvée sur le sol la hache a pu être perdue par son propriétaire sans qu’elle soit une preuve que le site ait été habité à l’époque néolithique.

Près du linteau de la Porte n° 1, c'est-à-dire sur la façade Ouest de l’éperon, a été retrouvé un crâne humain fragmenté et un os de la main. Rien ne nous permet de dire à quelle époque remontent ces restes humains.

Non loin de la pointe Nord de l’éperon, les restes d’un bloc de pierre taillée, de 40 cm de long sur 30 cm de large et 30 cm de haut, portent un fragment d’inscription gravée sur un beau grès rose qui comporte quatre lettres : ILLA                                                                                                      

 Il est probable qu’il s’agit là d’une partie du mot CILLA tel qu’il a été retrouvé gravé à l’intérieur d’un djedar de FRENDA (cf l’interprétation que nous avons proposée du mot TERNATEN) – (R. de la Blanchère : rapport à monsieur le ministre de l’instruction publique et des beaux-arts suite à un voyage d’étude dans une partie de la Maurétanie Césarienne : les Djedars, pl. IX, fig. 2, n° 4, fig. 20). La forme des lettres y est exactement la même qu’à SIDI MEDJAHED. CILLA serait le nom d’un des rois berbères enterrés à FRENDA.  

Autre trouvaille éparse près du bord occidental du plateau, un chrisme flanqué d’un alpha et d’un oméga est gravé à la pointe avant cuisson sur un tesson de poterie. Ce signe confirme les croyances chrétiennes des personnes qui vivaient dans le bastion.

Enfin, à tout seigneur tout honneur, vous n’avez pas oublié le chapiteau qu’un paysan a déterré au début de l’année 1955 et qui est à l’origine des fouilles de l’éperon fortifié de SIDI MEDJAHED. C’est un chapiteau de colonne, très certainement colonne d’une chapelle sinon d’une église. Le chapiteau est à section quadrangulaire, haut de 48 cm, qui mesure 65 cm sur 50 cm à la face supérieure, et 40 cm sur 38 cm à la face inférieure. Il est décoré sur un côté d’une rosace à six pétales inscrite dans un cercle, et sur la face opposée de volutes assez irrégulières et à demi effacées. On ne remarque aucune décoration sur les deux autres faces latérales. Aux quatre angles sont sculptées deux palmettes superposées. Par sa rugosité le travail n’est certainement pas romain même s’il ne fait aucun doute que l’édifice religieux dont il assurait la décoration était chrétien.

Ce dernier vestige nous laisse sur notre faim. Quinze jours de fouilles en 1955 n’ont pas suffi à sortir de terre tous les restes du fortin de SIDI MEDJAHED. Seuls ont été dégagés les remparts et leurs quatre portes. Il reste encore à explorer tout l’intérieur du bastion sur une superficie de 5 hectares environ. Nul doute que ces recherches permettraient de dégager un gros fort, avec sa grand’ rue, son casernement, son magasin, ses lieux publics et très certainement une chapelle.

Sur les photos en noir et blanc des remparts de SIDI MEDJAHED prises en 1955 vous avez très certainement remarqué de temps à autre un jeune garçon coiffé d’une casquette à la visière relevée. Ce garçon, âgé à l’époque de 12 ans, n’est personne d’autre que l’auteur, fils aîné d’Emile JANIER, responsable des fouilles de SIDI MEDJAHED.

62 ans plus tard l’auteur est revenu sur les lieux des fouilles de 1955.

Il a découvert que la Tafna est aujourd’hui à sec. Seule SIDI MEDJAHED offre encore un petit coin de paradis. Deux sources jaillissent dans le lit de la rivière, la première à l’Est du pédoncule, la seconde à l’Ouest. Ces sources distribuent une eau pure et fraiche, au débit régulier et chantant, qui irrigue deux beaux jardins fleuris de lauriers roses et de joncs aux longues tiges vertes.

L’auteur a surtout été surpris de constater qu’en 2017 rien n’avait bougé sur l’éperon fortifié de SIDI MEDJAHED. Ni le temps ni l’homme n’ont outragé les travaux d’extraction tels qu’ils avaient été menés en 1955 au niveau des remparts et de leurs quatre portes. Quant au plateau, qui est protégé depuis le VIème siècle par ces remparts, il est resté presqu’aussi vierge qu’il ne l’était en 1955. On n’y décèle aucune trace de culture sérieuse.

Les photos noir et blanc qui illustrent partiellement notre étude datent de 1955. Les photos en couleur ont été prises en octobre 2017.

Tout laisse à penser que le site, endormi depuis des siècles, attend patiemment que de nouvelles fouilles soient entreprises pour révéler ses mystères.

 

A bon entendeur, salut ! L’auteur reste disponible et propose sa contribution à toute recherche sérieuse qui serait engagée pour dévoiler au grand jour les secrets de l’éperon fortifié de SIDI MEDJAHED.

Plan du site de l'éperon fortifié de SIDI MEDJAHED

 

Charles JANIER