L’arrivée et l’installation des Harkis en Provence - par Gérard Crespo

(Crédit photo : Elisa CORNU)

 

L’arrivée et l’installation des Harkis en Provence

(Var et Alpes de Haute Provence)

 

Le mot Harki est un mot provenant d’un terme arabe, harka, et qui signifie mouvement. Le mot est né, semble-t-il, en 1956, lorsque le commandement supérieur ordonne la création d’unités supplétives dont les combattants étaient recrutés parmi la population musulmane. Le vocable harki est toutefois confus car il peut englober aussi bien des appelés que des ralliés volontaires par conviction idéologique, ou encore des moghaznis c’est-à-dire des combattants recrutés par les S.A.S, ou enfin des membres des Groupes Mobiles de Sécurité.

On estime à 200 000 le nombre de musulmans servant sous le drapeau français pendant la guerre d’Algérie ; mais si on ajoute ceux qui servaient sous le régime civil, on peut alors considérer que le nombre de Harkis s’élèverait à 500 000 personnes. Si, comme nous l’avons vu précédemment, rien n’avait été prévu pour l’accueil des Français rapatriés, on peut affirmer, qu’en très haut lieu, l’abandon des Harkis avait été envisagé même si, le 28 avril 1962, le Comité des Affaires algériennes avait décidé la mise en place d’un camp de transit à Marseille. Le 11 mai, lors d’un débat à l’Assemblée Nationale, deux députés algériens, messieurs Azem Ouali et Deramchi posaient la question à Robert Boulin : « Que va-t-il advenir des Harkis et des Moghaznis ? ». La réponse fut claire : « Tout musulman venant sur le territoire métropolitain a le droit de bénéficier de la loi de décembre 1961 » (1). Il omettait de préciser comment les Musulmans pourraient quitter l’Algérie. Il semblait ne pas connaître les intentions de son collègue, le ministre des Affaires Algériennes qui le 16 mai interdisait le rapatriement des supplétifs et de leur famille, et prévoyait des sanctions contre ceux qui enfreindraient ses ordres. Les premiers Harkis avaient débarqué à Marseille un mois plus tôt et les arrivées n’ayant pas cessé depuis, le ministre des Armées décide le 26 mai l’ouverture du camp du Larzac pour trois mois et de prendre en charge l’encadrement des détachements, et leur transport. Comme on le voit, si en Algérie, la situation était confuse quant aux décisions à prendre à l’embarquement ou non des Harkis, elle ne l’était pas moins au plus haut niveau de l’Etat, avec un président de la république qui ne désavoua jamais son ministre des Affaires Algériennes se montrant même méprisant envers les supplétifs «  des Français ? Ces Arabes en burnous et djellabas ! »

Il aura fallu donc le dévouement et l’abnégation de nombreux officiers et sous-officiers français, surtout de la Marine Nationale, qui ont bravé les ordres du commandement supérieur et des autorités politiques pour qu’un certain nombre de Harkis puissent avec leurs familles être repliés en France.

Selon une première estimation -ancienne- parue dans Documents Nord-Africains, n°608, 22 mai 1965, les Musulmans rapatriés d'Algérie étaient :

3 150 dans les Bouches du Rhône

1 938 dans le Var

1 835 dans les Alpes Maritimes

947 en Vaucluse

802 dans les Alpes de Haute Provence

239 dans les Hautes Alpes, soit en tout, 8 911 personnes en Provence Alpes Côte d'Azur.

En réalité, on verra que ces chiffres sont largement sous estimés ; d'abord parce que d'autres Harkis viendront s'établir dans les départements du Midi, ensuite parce que des familles entières qui avaient été séparées vont se regrouper, enfin parce que la natalité contribuera à augmenter le nombre de ressortissants de Français Musulmans.

 

 Les Harkis dans le Var

 

(Crédit photo : Elisa CORNU)

Le 22 juin 1962, le La Fayette quitte Toulon pour Alger. Le journal de bord (2) annonce l’embarquement de passagers sans autre renseignement. Il s’agit en fait de Harkis. C’est plus de quarante ans après, à la lecture des ordres du Commandement de bord (3) que nous l’apprenons. 920 personnes ont été convoyées à Marseille. La presse locale qui a eu vent de l’affaire annonce 1 100 personnes ; la télévision régionale présente au débarquement, filmera quelques images ; ce sera un des rares témoignages filmés que l’Histoire a conservé. Le Commandant adresse à l’Etat une facture de 3 342 NF et 10 centimes correspondant à la délivrance des denrées (1 000 œufs, 400 oranges, 300 pains, 200 pommes, du bœuf congelé, du jus d’orange, du café, du sucre…) Ces Harkis seront acheminés vers le Massif Central et d’autres régions rurales du centre de la France (4). Le 6 juillet, en pleine grève des marins de Marseille, un paquebot réquisitionné, le Phocée, arrive à Toulon avec « 576 réfugiés de confession musulmane dont 150 enfants de moins d’un an. On remarquera la citation empruntée à la presse locale varoise qui ne mentionne pas le terme Harki ! Ces réfugiés sont installés dans un bâtiment désaffecté, car bombardé en 1944 ; il s’agit de la caserne Beaulieu du 4ème colonial au Mourillon ; une manifestation d’hostilité, d’origine inconnue, des jets de pierre, est signalée, sans grave conséquence sinon quelques vitres brisées. Anecdote, le maire de Toulon se souvient de l’arrivée d’un grand nombre de jeunes femmes musulmanes, qui « assises par terre dans les jardins du V° dépôt, prirent subitement le chemin de la gare et disparurent » !

Plusieurs centaines de Harkis seront transportés d’Algérie vers Marseille sur des bâtiments de la Marine Nationale partis de Toulon, comme les débarquements de chars le Trieux ou l’Argens -auparavant, certains harkis auront trouvé refuge dans des baraquements inoccupés situés au sein de la base de Mers el Kébir mais les conditions surtout après le 3 juillet sont dangereuses car le privilège de l’extra territorialité ne s’applique pour eux. Dans ces cas là, la traversée s’avère particulièrement pénible car ces bâtiments ne sont absolument pas prévus pour des transports de passagers. Epuisés, les Harkis transitent par des camps comme Saint Maurice l’Ardoise (Gard), Rivesaltes (Pyrénées Orientales) … camps provisoires, mais qui s’installent dans la durée. Près d’un an après l’arrivée des premiers d’entre eux il est décidé de les transférer dans des hameaux forestiers. En fait l’idée avait été émise très tôt, -par qui ? par le préfet des Alpes de Haute Provence ? par le Ministère de l’Agriculture ? – dès l’été 1962. Il s’agissait de reclasser les Harkis selon certains critères : éloignement des centres urbains, s’assurer de leur protection, les insérer professionnellement et les loger au moindre coût. 75 hameaux forestiers sont prévus dont un tiers en P.A.C.A.

Dans le Var, ces hameaux sont répartis sur neuf localités déterminées par le Ministre des Rapatriés, qui, en date du 19 avril 1963, annonce par courrier au préfet du Var que des chantiers de forestage seront implantés dans son département (5). Et d’ajouter : « En raison du caractère d’urgence que revêt le recasement des familles de Harkis, il conviendrait que ces chantiers soient mis en place avant la fin juillet 1963. »

Ces localités sont : Saint Maximin, Gonfaron, Collobrières, La Londe, Le Muy, Saint Paul en Forêt, Rians, Montmeyan, Néoules. Encore faut-il souligner que les hameaux sont très éloignés du centre urbain ; ainsi le hameau de Capelude sur le territoire de Collobrières est situé à 14 kilomètres du centre et de ses activités administratives, scolaires, commerciales. Cet isolement géographique est propre à tous les hameaux à l’exception des Peyronas situé à 1,5 kilomètre de Saint Maximin.

Suite à une réunion qui se tient à la Préfecture du Var le 26 avril 1963 et qui rassemble le Préfet représentant le Ministre des Rapatriés, son adjoint, le Directeur Départemental de la Santé, le Conservateur des Eaux et Forêts et son ingénieur, l’Ingénieur en chef du Génie Rural, l’Inspecteur d’Académie, il est décidé qu’outre les sites retenus, il reste à étudier d’autres emplacements possibles à Six Fours, Brignoles, Pierrefeu, Les Mayons, Puget sur Argens. Il est également décidé que l’Etat prendrait en charge l’intégralité des dépenses d’installation y compris la construction de classes supplémentaires et les frais de ramassage scolaire. Les municipalités, en contrepartie doivent apporter leur soutien moral (sic) ! 248 logements sont prévus. Mais sur chacun des huit chantiers – celui de Collobrières est reporté momentanément-, il convient d’attribuer un logement pour un sous-officier responsable du centre c’est souvent un ancien des Affaires Musulmanes en Algérie-, un autre logement pour une assistante sociale, un troisième pour un préposé des Eaux et Forêts et un quatrième qui servirait de lieu de réunion. Soit un total pour le Var de 216 logements destinés à autant de familles, ce qui représenterait plus d’un millier de personnes.

La Commission du Ministère des Rapatriés, réunie le 6 mai 1963, précise la répartition des chantiers, les conditions d’implantation et lance un appel d’offres national aux entreprises du bâtiment. Les marchés sont approuvés par le Ministère le 22 juin. Les sociétés ayant emporté les marchés sont invitées à commencer les travaux à compter du 10 août 1963 et de les terminer dans un délai de 75 jours.

Il s’agit de l’entreprise Dasse (domiciliée à Dax) qui est chargée de la construction de 28 logements à Saint Maximin et de 28 à La Londe, de l’entreprise Schroth (domiciliée à Altkirch) qui se voit attribuer les chantiers de Rians et de Montmeyan, 28 logements sur chacun des sites, et qui partage le chantier de Saint Paul en Forêt, 12 logements pour elle et 16 pour l’entreprise Lecorché qui doit par ailleurs construire 28 logements au Muy et 52 à Gonfaron. Entre temps, la Commission a décidé d’autres emplacements sur trois autres localités, Réquestéron, l’Escarène et Valbonne sur chacune desquelles seront édifiés 28 logements, tous construits par l’entreprise Dasse. Les logements doivent être des préfabriqués et doivent être démontables et récupérables.

Le 30 octobre, le Ministère de l’Agriculture qui s’est vu confier la surveillance des chantiers adresse une missive aux ingénieurs en chef du Génie Rural leur enjoignant de tout mettre en œuvre pour que ces « logements soient utilisables au moins avant l’hiver, c’est-à-dire au premier décembre » (6). Aux 216 logements décomptés plus haut il faut donc en ajouter 72 compte tenu du fait qu’il convient de défalquer sur chaque chantier 4 appartements pour l’encadrement administratif. En tout donc, dans le département du Var, ce sont 288 familles de Harkis qui doivent être accueillies, ce qui correspond à environ 1 800 personnes (7).

Le 21 décembre 1963, l’Ingénieur en chef du Génie Rural du Var notifiait au Ministère des Rapatriés que l’entreprise Schroth « pour des raisons indépendantes de sa volonté (intempéries, retards causés par les travaux de viabilité) n’était pas en mesure de terminer les travaux dans les délais précités ». Le 7 janvier 1964, le même ingénieur attirait l’attention sur le fait que « les marches d’escalier n’étaient pas réalisées à Montmeyan, Rians, Néoules ». Par ailleurs, il signalait que « les canalisations d’eau étaient installées à une profondeur trop faible et qu’elles risquaient d’exploser en cas de gel, et qu’il en était de même à Saint Paul ». Suit un rappel en date du 28 avril 1964. Nouveau courrier le 11 mai : « il convient de remédier aux imperfections signalées et ce dans un délai de quinze jours ». L’ingénieur relève également des défauts d’étanchéité. Nouveau courrier le 20 mai, avec cette fois une mise en demeure d’effectuer les réparations sous peine de pénalités. Sur ces chantiers, le procès-verbal de réception définitive ne sera délivré que le 2 juillet 1965 –alors que des centaines de personnes sont installées depuis plusieurs mois- et le certificat administratif déclarant que « les travaux ont été exécutés selon les règles de l’art et ne donnent à aucune observation » ne sera délivré que le 7 juillet 1965 ! La lecture des archives nous apprend que tous les chantiers ont connu ces désagréments et il serait fastidieux pour le lecteur de les énumérer. On imagine donc aisément la très grande précarité des conditions de vie des Harkis. D’autant que ces installations qui à l’origine devaient être provisoire s’avèrent durables, puisque le 27 septembre 1967 il est prévu des travaux d’agrandissement des centres du Muy et de Gonfaron et les travaux d’alimentation en électricité sont confiés à une entreprise de Fréjus. Le 14 septembre 1967 il est décidé la construction d’une station d’épuration au Muy dont les travaux sont confiés à la Société Anonyme des Services Opérationnels d’Assainissement du Sud de la France domiciliée à Vauvert dans le Gard. D’autre part d’autres chantiers ont été ouverts à Bormes-Pignans, à Collobrières et à Saint Raphaël en date du 6 avril 1964 et confiés à l’entreprise D’Alberto de Grenoble. Sur le contrat il est stipulé que les travaux de terrassements doivent être effectués par les Harkis car les crédits sont limités (à titre d’exemple, le coût de la construction des bâtiments du Muy, de Gonfaron et de Saint Paul en Forêt facturé à l’état s’élevait à 981 614 francs). Les Harkis devaient également procéder au brossage de l’ancien badigeon sur les bâtiments à restaurer. Ici aussi, l’ingénieur déplore la lenteur des travaux. Mais l’entreprise se plaint de la mauvaise volonté des Harkis pour effectuer les tâches qui leur avaient été attribuées.

Outre ces conditions de vie précaires, on rappellera l’éloignement des hameaux des centres de localités, hameaux isolés, aux confins de bourgs ruraux, les contacts avec l’extérieur étant rares, contacts qui auraient pourtant favorisé l’intégration sur cette terre de France pas très accueillante, il faut hélas le reconnaître ! D’autant que les municipalités sont très réticentes dès qu’il s’agit de construire des H.L.M. pour les Harkis ou d’aménager un carré musulman dans le cimetière communal à dominante chrétien ; comment donc les intégrer à la vie métropolitaine ?

D’autre part de nombreux observateurs soulignent les conditions de vie très strictes à l’intérieur des hameaux, la discipline quasi militaire. Le courrier serait contrôlé par le personnel d’encadrement qui exercerait même la rétention de certains documents à caractère administratif. Enfin le bakchich était roi. 

En conclusion de ce chapitre, à combien estimer le nombre de Harkis dans le Var et que sont-ils devenus ?

Le recensement de 1968 qui ne fait pas la distinction entre anciens supplétifs, militaires de carrière, civils rapatriés, fonctionnaires et Algériens de France qui auraient acquis la nationalité française, compte 16 000 Français musulmans rapatriés en P.A.C.A. On peut donc penser aujourd’hui que ce nombre est vraisemblablement plus élevé, car outre l’accroissement naturel il est difficile de savoir combien ont pu s’installer dans des cités H.L.M. de centres urbains échappant à la concentration dans des camps ou des hameaux. En 2002, dans un article du Monde, en date du 30 mai, José Lenzini proposait 18 000 harkis dans le Var, ce nombre englobant nécessairement la deuxième –voire la troisième ? - génération.

Les hommes étaient affectés à des travaux de reboisement de la forêt domaniale et à des travaux d’équipements. Les enfants étaient scolarisés à l’école du village. Ils étaient quasiment les seuls à avoir un contact régulier avec l’extérieur ; le seul lien que les harkis avaient avec les pouvoirs publics se faisait par le personnel d’encadrement.  Les familles, outre le salaire des hommes percevaient une allocation. Enfin des amicales créées surtout à l’initiative d’officiers et sous-officiers de l’armée française, en activité ou non ont joué un rôle important dans l’aide apportée aux anciens supplétifs. (8)

Il n’en demeure pas moins que les difficultés d’accession à la nationalité française, la quasi impossibilité d’avoir accès à des logements urbains décents, sont autant de facteurs qui vont concourir à la ségrégation. Cette situation conduira en 1975 au premier grand mouvement de contestation des Français musulmans rapatriés, mouvement qui sera surtout celui de jeunes ; les fils de Harkis âgés de vingt ans à cette date, étaient arrivés à l’âge de sept huit ans dans ces hameaux et ne voyaient pas d’issue favorable à leur avenir. Cette première révolte sera hélas suivie de bien d’autres puisqu’en avril 1997, un groupe de Harkis du Var (la troisième génération ?) manifestait devant la Préfecture des Bouches du Rhône ! Certes depuis 1975 l’encadrement militaire des hameaux a été supprimé ; les hameaux eux-mêmes ont progressivement disparu, mais les difficultés d’intégration que nous avons soulignées plus haut, ont entraîné les représentants des deuxièmes et troisièmes générations vers des emplois peu qualifiés, voire un chômage endémique ; quant aux supplétifs, nombreux sont ceux qui attendent encore des indemnisations ou des régularisations de leur service dans l’Armée française. (9)

Heureusement, le musée des troupes de Marine de Fréjus rappelle le rôle glorieux qu’ont joué les Harkis puisqu’il a exposé le fanion de la harka 823 du 21ème RMIa implantée en 1961 en Petite Kabylie et commandée par le sous-lieutenant Michel Taithe mortellement blessé au cours d’un accrochage avec le F.L.N. la même année. Dans une vitrine voisine, on se souvient du comportement héroïque du chef d’équipe de la harka du 3ème régiment de parachutistes coloniaux, HassaÏne Mohamed –médaille militaire, sept citations- qui se sacrifia pour sauver ses camarades d’un accident de tir en se jetant sur une grenade dégoupillée ; il fut proposé pour la légion d’honneur. Enfin, figure également l’écusson de la harka commando du I/75R.I. Ma qui s’illustra dans le nord du Constantinois.

Quant au niveau le plus haut de l’état, il fallut attendre le 25 septembre 2001, pour que Jacques Chirac, alors président de la république, reconnaisse que « la France, en quittant le sol algérien, n’a pas su sauver ses enfants ».

 

Notes :

(1) La Dépêche d’Algérie, 11 mai 1962.

(2) Archives de la Marine, Toulon, le La Fayette, côte 16 J 16.

(3) Archives de la Marine, Toulon, le La Fayette, côte 16 J 17.

(4) De nombreux ouvrages ont été consacrés aux Harkis ; consulter notamment : Michel Roux, Les Harkis, les oubliés de l’histoire, 1954-1991, La Découverte, Paris, 1991.

Mohand Khellil, « Les Français musulmans rapatriés : d’ambiguïtés en malentendus » in Les rapatriés d’Algérie en Languedoc-Roussillon, 1962-1992, Actes du Colloque, Université de Montpellier, 1992.

Mohand Hamoumou, Et ils sont devenus Harkis, Fayard, Paris, 1994.

Anne Heinis, L’insertion des Français musulmans, étude fondée sur les populations regroupées dans le Midi de la France dans les centres d’ex Harkis, Montpellier III, thèse de IIIème cycle, 1977.

Jean-Jacques Jordi et Mohand Hamoumou, Les Harkis, une mémoire enfouie, éditions Autrement, 1999.

Plus récemment, Fatima Besnaci-Lancou présidente de l’association « Harkis et Droits de l’Homme » a publié en collaboration avec Gilles Manceron Les Harkis dans la colonisation et ses suites aux éditions de l’Atelier avec une préface de Jean Lacouture. Elle a également publié Fille de Harki, aux éditions de l'Atelier en 2003 et Nos mères, paroles blessées, une autre histoire de harkis aux éditions Emina soleil en 2006.

A noter également un film documentaire de 26 minutes, « Un mouchoir sur l’Histoire » réalisé pour France 3 Rhône Alpes en 1998 par Farid Haroud dont le père a séjourné quatre ans au hameau forestier de Rians avant de réussir à partir pour s’installer à Vienne en Isère. Et un téléfilm écrit par Dalila Kerchouche et réalisé par Alain Tasma en 2006, Harkis, dans lequel la vie et l’exploitation des Harkis dans les hameaux forestiers sont retracées avec réalisme et émotion mais sans pathos excessif. Dalila Kerchouche est l’auteure de Mon père, ce Harki paru aux éditions du Seuil en 2004.

(5) Archives Départementales du Var, côte 746 W 63 et 64. Les mesures sont d’autant plus urgentes que des familles de Harkis qui avaient réussi à se cacher en Algérie après l’indépendance, continuent d’arriver en France ; le flux ne cessera réellement que quatre ou cinq ans plus tard.

(6) Archives du Var, op.cit. Il convient de préciser à l’attention du chercheur que les plans des hameaux et des bâtiments sont disponibles aux archives.

(7) Selon une enquête de Anne Heinis, enquête réalisée pour les besoins de sa thèse sous la direction de l’ethnologue Jean Servier, le nombre moyen de personnes par famille dans les hameaux forestiers serait de 6,3 en 1970, 6,5 en 1971, 7,1 en 1972 et 7,6 en 1974.

(8) citons par exemple, l’Association des familles et amis des parachutistes coloniaux, l’Association des Anciens des Affaires Algériennes créée par des officiers S.A.S. ou encore l’Association de l’Amicale de la demi brigade des fusiliers marins (A.A.D.B.F.M.) ; cette dernière association est créée le 9 mars 1962 sous le patronage du C.E.M.M. qui, par une circulaire du 21 avril 1962 se charge de la faire connaître et encourage les dons ; originalité, les officiers d’active peuvent y adhérer. Elle comptera jusqu’à 295 membres actifs et 2000 membres bienfaiteurs et donateurs. La D.B.F.M. avait été créée en avril 1956 était constituée de trois bataillons ce qui représentait un total de 3 000 hommes et avait intégré des harkis ; fin avril 1962, les 1er et 2èmes bataillons se replient sur Toulon et le 3° sur Mers el Kébir ; c’est ainsi qu’elle songe à rapatrier ses harkis.

(9) il existe aujourd’hui une Association Bénévole des Harkis du Var à Vidauban dont une des missions est de défendre les intérêts des membres de cette communauté et l’Union Nationale des Harkis Associés et Sympathisants a son siège à Roquebrune sur Argens. L’Union Nationale des Travailleurs Français d’Origine Nord Africaine et de leurs Amis est à Draguignan.

On ne saurait conclure ce chapitre sans consacrer quelques lignes à une association, l’A.N.S.S.E. (association nationale des supplétifs de souche européenne) appelée parfois l’association des harkis blancs qui regrouperait environ 300 membres dont une quarantaine dont le Var et une vingtaine dans les Alpes Maritimes. Le président national est un Varois, domicilié au Thoronet ; grièvement blessé par le F.L.N. alors qu’il a dix sept ans, il est plus tard exempté du service militaire. Il s’engage alors dans les supplétifs – « car on ne passait pas de visite médicale » - où il sert cinq années durant, et obtient la médaille militaire. L’association milite pour que soient reconnus à ses adhérents les mêmes droits qu’aux harkis.

 

 

 

 Les Harkis dans les Alpes de Haute Provence.

(Photo MHeMO / collection Hélène Durand)

 

Au bord de la Durance, à Manosque, un camp de harkis appelé « les quatre saisons » abrita pendant plusieurs années des dizaines de familles. Mais dans cette localité, résident également de nombreux immigrés algériens qui s’ils n’ont pas tous collaboré avec le F.L.N. ont approuvé la lutte pour l’indépendance. Ceci entraîne une sourde rivalité entre les deux communautés dont les enfants continuaient de se traiter à l’aube du XXIème siècle de « traîtres » ou « d’immigrés (qui auraient dû rester chez eux) ». La rivalité est exacerbée par le silence des parents qui contribue fortement au malaise ambiant.

C’est pour cela que Hamouche Zerrouki, directeur de l’Office municipal de la jeunesse de Manosque a mené un travail de transmission de la mémoire par une série d’entretiens vidéo. Une association locale, le Créops, présidée par Ali Mekki, a préparé une enquête et un colloque en 2002 dont l’objectif est de permettre aux « Algériens immigrés » et aux Harkis de « maîtriser leur histoire » afin de pouvoir enfin dialoguer.

Dans le même esprit, Yamina Guebli, fille de harkis et réalisatrice de films interpelle les communautés en affirmant : « Certains jugent leurs voisins pour ne pas avoir à affronter leur propre histoire…Je leur dis : réveillez-vous, regardez où vous êtes et demandez-vous pourquoi ». (1)

Comme dans le Var, les Harkis furent regroupés très tôt dans des hameaux de forestage à Bayons, Jausiers, Saint André les Alpes et Ongles où dans ce village de 237 habitants, 25 familles de supplétifs furent accueillies entre 1962 et 1971.

Chaque année à Ongles est organisée une journée de colloque commémorant le drame des Harkis.

(Extrait du dossier de presse de la MHeMO)

 

Notes :

(1) Lire à ce sujet l’article du Monde paru le 30 juin 2002 et signé Philippe Bernard. L’article signale une publication pour septembre 2002 du Créops, qui est une enquête sur « les héritiers involontaires de la guerre d’Algérie » menée par le sociologue Saïd Bouamama.

 

 

 

                                              Gérard  Crespo