Conquête du Sahara et création des territoires du Sud [PARTIE 2]

Les grandes lignes de la politique de développement des territoires du Sud

L’esprit dans lequel est abordée la « colonisation » du Sahara en 1905 est parfaitement exprimé par le Gouverneur général Jonnard, dans son rapport exposant la situation générale des Territoires du Sud de l’Algérie en 1905, dont voici un extrait :

Le premier budget élaboré 1905 se caractérise par la volonté d’établir un équilibre entre la mise en place des services publics et l’assistance aux populations, entre les grands travaux d’intérêt général et l’action sociale. Ce premier budget s’élève à 3 378 392 fr (1905), soit 13 706 303 € (2021).

La moitié des ressources budgétaires sont destinées à la mise en place des Services des Postes et des Télégraphes, de celui de l’Instruction publique, des travaux publics de route et d’hydraulique, des forages artésiens. L’autre moitié est consacrée aux œuvres de bienfaisance, d’hygiène et d’assistance médicale aux populations, aux subventions aux communes pour insuffisance de revenus.

Exemples de réalisations concrètes financées par le budget 1905 des Territoires du Sud

Devant l’impossibilité d’être exhaustif dans le cadre de cet article, nous avons choisi de mettre en lumières quelques actions particulièrement significatives financées en 1905.

L’enseignement

• Le personnel de l’enseignement primaire comprend, en 1905, 21 instituteurs français, 16 institutrices françaises et 20 maîtres indigènes. Le nombre d’élèves s’est élevé à 2.745 dont 265 Français (163 garçons, 102 filles), 263 Etrangers (139 garçons, 124 filles), 468 Israélites (324 garçons, 124 filles), 1749 Musulmans (1729 garçons, 20 filles). Pour l’ensemble des Territoires du Sud.
• En 1905 ont été réalisées une classe enfantine à l’école européenne de Beni-Ounif, une école préparatoire d’indigènes à une classe pour les garçons et une école européenne de filles à une classe, une classe d’indigènes annexe à l’école européenne de Méchéria, une seconde classe à l’école de garçons d’Aïn Sefra, un cours d’apprentissage à l’école d’indigènes de Touggourt, un cours d’apprentissage à l’école d’indigènes d’El Oued.
• Organisation , de cours de français et de travaux manuels dans les territoires de l’extrême Sud et de l’Ouest, nouvellement occupés, comme il en existe déjà à Colomb-Béchar, Taghit, Beni-Abbès, Berguent, Adrar, In Salah, Timimoun.

L’élevage

• Encouragements aux éleveurs sous forme de primes diverses à l’élevage ovin ; encouragement à l’élevage de la race cameline. Encouragements à l’élevage du bœuf zébu dans les régions du Mouydir et du Tadmayt et chez les Touareg-Hoggar.

L’assistance médicale

• Assistance médicale confiée à un médecin détaché dans chacun des cercles, annexes et postes des Territoires du Sud, avec consultation quotidienne gratuite au chef-lieu des circonscriptions administratives. Les médicaments sont distribués gratuitement aux malades qui se présentent à la visite.

Les hôpitaux et les infirmeries

• Accueil dans les hôpitaux militaires de chaque circonscription des civils français, étrangers et indigènes.
• Accueil dans les infirmeries indigènes nouvellement créées ou en création : Géryville, Djelfa, Beni-Ounif, Colomb-Béchar, Taghit, Adrar, Timimoun, In-Salah, Laghouat, Ouled-Djellal
• Accueil, par convention avec le gouverneur général, à l’hôpital indigène de Ghardaïa (pères blancs) des indigènes, européens et militaires.

Lutte contre le paludisme et les ophtalmies

• Distribution gratuite de quinine pour combattre le paludisme. Campagnes de vaccination dans les tribus.
• Aides aux communes pour lutter contre la propagation des ophtalmies.

Aide sociale

• Participation à des œuvres d’assistance à l’ouvroir de Laghouat, notamment, au bénéfice des jeunes-filles musulmanes.

Télégraphe

• Développement des télégraphes : construction d’une ligne électrique entre Biskra et Sidi-Okba et ouverture d’un bureau télégraphique à Sidi-Okba. Révision complète des lignes électriques du Sud. Installation d’appareils rapides (système Hugues) dans les bureaux d’Aïn Sefra et de Beni-Ounif.

Alimentation en eau

• Sondages artésiens : ateliers de sondages à grande profondeur jusqu’à 500 m. Détermination des points où des forages pourraient être utilement entrepris. Elaboration de programme de travaux à entreprendre.
• Recherches d’eau sur les pistes suivies par les convois et les caravanes, forage et aménagement de puits avec abreuvoirs (Commune indigène de Colomb).
• Définition avec le concours des djemaâ d’un programme de travaux destinés à augmenter le débit foggaguir pour l’irrigation des palmeraies (Commune indigène des oasis sahariennes).
• Etablissement d’un projet d’adduction d’eau du centre de Djelfa (commune mixte de Djelfa).
• Etudes et recherches en vue de l’alimentation en eau potable et d’irrigation de la ville et de l’oasis de Laghouat (commune mixte de Laghouat).
• Etablissement du projet de barrage sur l’oued El-Biodh, devant permettre l’irrigation de 155 ha de terres cultivable en banlieue de Géryville (commune mixte de Géryville).

Travaux routiers, voies ferrées

• Travaux d’entretien, de grosses réparations et de construction sur l’axe de la route nationale N°1 d’Alger à Laghouat.
• La ligne ferrée d’Arzew à Colomb-Béchar traverse les territoires du Sud sur un parcours de 429 km. Sur les 111 derniers km de cette ligne, 60 km, de Béni-Ounif à Ben-Zireg, ont été ouverts à l’exploitation le 4 février 1905 : les 51 derniers km, de Ben-Zireg à Colomb-Béchar, ont été achevés en septembre et la reconnaissance des travaux a été effectuée le 19 septembre 1905.

Aménagements urbains

• Création du centre industriel et commercial de Beni-Ounif. En 1905 l’administration a doté ce centre des services nécessaires à toute agglomération d’habitants organisés : Deux écoles publiques pour les garçons et les filles. Une recette des postes et des télégraphes. Construction d’un vaste fondouk entouré de halles pour faciliter les échanges commerciaux. Construction de locaux pour salle de mairie, justice de paix. Alimentation en eau potable au moyen de puits et d’appareils élévatoires. Canalisations pour la distribution d’eau. Construction d’un abattoir, un lavoir public, un bain maure, des latrines publiques. Un réseau d’égouts en voie d’exécution. Plantation d’arbres dans le village et alentour.
• Travaux de voirie et d’édilité les plus urgents. Construction d’une mairie, une maison pour les hôtes, une mosquée, un lavoir public, des latrines. Aménagement de chemins, tracés d’alignements. Une école publique y sera sous peu installée (commune indigène de Colomb-Béchar).
• Travaux d’amélioration et d’assainissement du centre de Méchéria (commune mixte de Méchéria).

Création d’un fonds de réserve pour faire face aux « évènements calamiteux »

Un Fonds de réserve des Territoires du Sud est mis en place (décret du 12 avril 1905) pour parer aux conséquences « d’événements calamiteux ».

Sa première intervention d’importance a permis d’ailleurs en 1905 de venir aux secours des victimes de l’inondation d’Aïn Sefra, survenue le 21 octobre 1904 qui fit plus de 25 morts et détruisit une grande partie des habitations. Par décision du Ministre de l’Intérieur du 13 avril 1905, le fonds de réserve a pu intervenir à hauteur de 300.000 fr (soit l’équivalent de 1,2 millions d’euros de 2021).

Conclusion

Ce rapide survol de la conquête du Sahara puis du démarrage de la mise en place de l’administration par la France de ces vastes Territoires du Sud montre deux choses.

D’une part que les intentions généreuses du budget de 1905 ont été respectées, à savoir d’employer au profit immédiat des tribus généralement misérables qui peuplent ces régions, les impôts auxquels elles sont soumises, comme le montrent les nombreux exemples présentés plus haut.

D’autre part, les éléments concrets rapportés ici illustrent, nous semble-t-il, un des aspects fondamentaux de la colonisation à la française qui consiste à promouvoir un développement des territoires qui recherche et prend en compte aussi un mieux-être des populations qui l’occupent.

Jean-Pierre Simon

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