Notre dossier : enseignants en Kabylie (3e partie)

Mon ancêtre Jean Eugène SCHEER

Nommé instituteur au Fort en 1876, il remplit diverses fonctions dont celle de secrétaire de mairie et de conseiller municipal. Il apprend le kabyle, se passionne pour le développe­ment de l’instruction en Kabylie.

En France, la question de l’instruction des indigènes passionne quelques hommes comme Jules Ferry. Ils pensent qu’ Eugène Scheer, par ses connaissances spéciales et sa longue pratique des Kabyles, peut être un auxiliaire précieux pour la réalisation de leurs idées.

À 22 ans, il fait la connaissance au Fort, de Clotilde Félicie Granier, et l’épouse alors qu’elle a 17 ans. Les témoins de leur mariage sont Mohamed ben el hadj Moussa, interprète de justice ( 29 ans ) et Etienne Etchepare employé aux Poste-télégramme­téléphone. Clotilde Félicie Granier, née en janvier 1860 est la nièce de monsieur et madame Raissan qui tiennent l’Hôtel des touristes, cours Napoléon. Celle-ci, raconte à sa fille Joséphine, qu’enfant « elle avait entendu rugir les lions de l’Atlas autour des palissades de Fort Napoléon et qu’elle avait subi en 1871, le siège du village ».

Jean Eugène Scheer et Clotilde Félicie Granier le jour de leur mariage

Leurs deux premiers enfants meurent et sont enterrés au cimetière du Fort. Ils ont ensuite deux filles dont Germaine Chantreaux qui suivit les traces de son grand père, fut institu­trice à Aït Hichem puis passa ses diplômes de kabyle et d’arabe, devint ethnologue et tra­vailla avec Georges et Philippe Marçais.

En 1881, Eugène Scheer, après 5 ans d’enseignement, reçoit la médaille d’or de l’Académie pour l’organisation, l’enseignement et les travaux des « élèves indigènes ». Connaissant le pays et sa langue, il envoie à l’Inspecteur le résumé de ses idées sur l’enseignement indigène, car d’innombrables villages restaient hors tout courant pédagogique. Aussi reçut-il le 23 août, de Jules Ferry, une mission spéciale pour développer la création d’écoles en Kabylie. Il se livre alors au travail avec acharnement, parcourant à cheval la Kabylie, il choisit et négocie des terrains et construit les premières écoles.

À la suite de ses succès, Eugène Scheer sera envoyé dans les Aurès où son enthousiasme connaîtra les mêmes réussites. Il devint, sous la houlette de Jules Ferry, le fondateur des écoles indigènes d’Algé­rie, et atteint le titre d’Inspecteur Général.

Il organisa la formation des maîtres d’école musulmans, écrivit des livres d’instruction depuis des « Exercices de langage » à des « Recueils de chants kabyles ». Après une épuisante randonnée dans le Constantinois, il décède le 3 janvier 1893, il n’a pas 40 ans.

Fabienne POYETON-JOUSSELIN

Extrait du Mémoire Vive n°63