Maurice Viollette

Maurice Viollette par Louis Plumont

Janville, 3 septembre 1870 – Dreux, 9 septembre 1960

Parmi le personnel politique du XXe siècle, Maurice Viollette occupe une place à part. En effet, rares sont les parlementaires de la IIIe République qui s’intéressèrent réellement à la politique coloniale. Viollette est de ceux-là.

Ce fils de la bourgeoisie beauceronne rejoint Paris en 1889 pour y faire son droit, il est avocat en 1896. Membre de la Fédération des travailleurs socialistes de France, Maurice Viollette manifeste un intérêt précoce pour les questions coloniales.

Maison de Maurice Viollette à Dreux

Il est élu maire de Dreux une première fois en 1908 et remplit des mandats successifs dans cette ville jusqu’en 1959 où il est nommé maire d’honneur. Élu député de l’arrondissement de Dreux dès 1902, il sera réélu avec des interruptions jusqu’en 1956. Gouverneur Général de l’Algérie à partir du 12 mai 1925, il prend la défense des autochtones, s’interroge sur la situation réelle des indigènes, se soucie des conditions sanitaires de la mère et de l’enfant. Il souhaite instaurer une forme de citoyenneté pour les musulmans d’Algérie étant persuadé que le maintien de la présence française peut être garanti par cette mesure. Ne pouvant atteindre les objectifs qu’il s’est fixé, il démissionne en 1927. Simultanément, il mène une lutte sans concession contre le développement du communisme et surveille les premiers développements du fascisme italien.

Pour Charles-Robert Ageron, Maurice Viollette est arrivé en Algérie « mû par un grand dessein : préparer le centenaire de l’Algérie française et assurer sa pérennité grâce à une politique généreuse d’assimilation. Pour ce Franc Maçon idéaliste, la France devait transformer l’Algérie en répandant les lumières de l’instruction et en faisant régner l’égalité. »

Le projet de loi Blum-Viollette

Ce fut le projet du Front Populaire de Léon Blum, sur les propositions de Maurice Viollette, ancien gouverneur de l’Algérie, visant à ce que 20 000 à 25 000 musulmans puissent devenir citoyens français tout en gardant leur statut personnel lié à la religion. Il devait permettre à une minorité de musulmans d’acquérir la citoyenneté française, leur permettant notamment de bénéficier du droit de vote. La loi a été bien accueillie par les musulmans d’Algérie, sauf pour certains milieux nationalistes. Ferhat Abbas (1899-1985) (1), était plutôt favorable au projet, les oulémas (2), et le PPA (3)  y étaient clairement opposés. Quant aux français d’Algérie, ils accueillent ce projet de loi avec hostilité, affirmant que si ce projet passait, le corps électoral pourrait se trouver en minorité dans certaines communes algériennes. Lors du congrès d’Alger du 14 janvier 1937, les 300 maires d’Algérie se prononcèrent à l’unanimité contre le projet.

Salambô

Le général De Gaulle reprendra les dispositions de ce projet de loi en 1944. L’ordonnance modifie le statut pénal des musulmans, les soumettant aux mêmes droits et aux mêmes devoirs que les colons, donnant en outre à une élite algérienne (diplômés, fonctionnaires,…), d’environ 65 000 personnes, la citoyenneté française, et plus largement, mais dans une moindre mesure aux hommes musulmans âgés de 21 ans et plus.

Maurice Viollette et la Franc-Maçonnerie

Initié en 1893 à la loge Bienfaisance et Progrès, Maurice Viollette a plus tard été élu au Conseil de l’ordre du Grand Orient de France. La Franc-Maçonnerie est présente à Dreux depuis 1792 et fait partie intégrante du patrimoine de la ville. Fondée en 1905, à l’initiative de Maurice Viollette et de quelques Francs-Maçons drouais, la loge Justice et Raison du Grand Orient de France a été, dès sa création, un espace de promotion de la laïcité et des valeurs de la République.

Peinture par Etienne DINET

Maurice Viollette ajoute à ses activités strictement politiques celle d’avocat. Il assure à partir de 1910 la défense du général Toutée, commandant de la région militaire d’Oujda au Maroc et témoigne également devant la Haute Cour en faveur de son ami Joseph Caillaux dans les relations et les négociations menées avec l’Allemagne entre 1910 et 1911. N’oublions pas son rôle artistique en Algérie où il est Président d’Honneur de l’Union Artistique de l’Afrique du Nord fondée en 1925 par le peintre Roméo Aglietti et où il est apprécié pour sa « proverbiale bonté. »

Élisabeth CAZENAVE

Bibliographie

- Archives du musée d’art et d’histoire Marcel Dessal communiquées aimablement par Eric Bruneau, chargé de la communication ainsi que de l’iconographie.

- "L’Algérie vivra-t-elle ?" par Maurice Viollette. Librairie Félix Alcan. Paris.

Exposition

-  "Rêves d’Orient, la peinture orientaliste au XIXe siècle" du 30 mars au 7 octobre 2012, Musée d’art et d’histoire Marcel Dessal

Extrait du Mémoire Vive n°50

  1.  De son vrai nom Ferhat Mekki Abbas, homme politique algérien, leader nationaliste et membre du FLN durant la guerre d’indépendance de l’Algérie. Premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) de 1958 à 1961, il est élu, après l’indépendance du pays, président de l’Assemblée nationale constituante devenant ainsi le premier Chef d’État de la République algérienne démocratique et populaire
  2.  Un Ouléma ou uléma est un théologien, généralement sunnite, de l’islam indépendant du pouvoir séculier, il est le gardien de la tradition musulmane et un homme de référence.
  3. PPA : En 1937, Messali Hadj fonde le Parti du Peuple Algérien (PPA). Messali Hadj est l’un des leaders spirituels de l’indépendance algérienne. Il est né en 1898 dans la ville de Tlemcen. Après la fin de la Première Guerre mondiale, il rejoint Paris où il fréquente le Parti Communiste Français.

 

Salambô

Maurice Viollette par M. Landon