Documents Algériens : La Manufacture nord-africaine de Faïence

Le Service d’Information du Cabinet du Gouvernement général de l’Algérie publiait régulièrement des années 40 à 60 des "Documents Algériens", qui constituaient en une série de notices et mises au point groupées en diverses séries (politique, économique, culturelle, militaire, etc.), parfois pourvues d’indications bibliographiques. Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir une notice publiait en 1946 dans la série Sociale sur le Camion de projections cinématographiques du Gouvernement Général de l’Algérie.


Documents Algériens n°62 - 8 juin 1949 - série économique

La Manufacture nord-africaine de Faïence

LA FAÏENCERIE EN ALGERIE

L'absence de faïencerie en Algérie avait provoqué un malaise certain pendant la coupure de 1940 à 1945 aussi bien dans la population d'origine métropolitaine que musulmane. Les objets fabriqués sur place de la manière la plus grossière et en quantité insuffisante n'avaient évidemment pu satisfaire la clientèle algérienne habituée aux produits de bonne qualité. C'est pourquoi l'idée de fabriquer sur place avec des matériaux locaux selon une technique éprouvée et avec des moyens modernes les objets de première nécessité s'imposa rapidement avant même la fin des hostilités. L'industrie de la faïence a pris pied en Algérie d'abord par l'initiative de MM. Humbert et Renaud à Berrouaghia (1947) puis par celle plus importante de la Manufacture Nord-Africaine de Faïence à Oran, filiale de la Faïencerie de Niderviller.

LA M.N.A.F.

Choix du lieu de l'exploitation.

La M.N.A.F. a été acceptée au plan d'industrialisation (arrêté du 22 Octobre 1946) avec tous les avantages fiscaux que cette décision comporte. D'accord avec les services techniques du Gouvernement Général de l'Algérie, la zone industrielle d'Oran fut choisie comme lieu d'installation de l'usine en raison de la proximité des gisements de sable blanc de Saint-Denis-du-Sig, du voisinage d'un port à grand trafic maritime pour la réception des approvisionnements indispensables ainsi que pour l'expé­dition des produits manufacturés, enfin de l'importance des besoins propres de l'Oranie qui repré­sentent approximativement les 50 % de la consommation algérienne totale en produits céramiques.

Edification de l’Usine

L'usine édifiée au cours des années 1947 et 1948 a été construite à l'aide de matériaux provenant de la Métropole, par des entreprises locales.

Le groupe principal de l'usine est constitué par trois bâtiments accolés l'un à l'autre, de 160 mè­tres sur 60 mètres de largeur, dont l'armature est formée par une immense charpente métallique ayant nécessité plus de 400 tonnes d'acier, sous forme de poutrelles, de profilés de toutes sortes, etc... Plus de 3500 m2 de verre cathédral ont été nécessaires pour permettre l'éclairage de ce vaste hall dans lequel se concentre, autour du four tunnel électrique, toute la vie de l'usine.

Dans le prolongement de l'un des halls latéraux ont été érigés de vastes constructions dont le rez-de-chaussée est réservé au stockage des matières premières et au-dessus desquelles, sur terrasses, se trouvent de gais logements ainsi que des bureaux et le Centre Social.

A proximité de l'usine se dresse un poste imposant de transformation ainsi que des ateliers de mécanique et de menuiserie et des garages dotés d'un atelier d'entretien pour les véhicules roulants. L'importance de ces bâtiments annexes laisse deviner les intentions d'extensions ultérieures de la Société ; la première usine ne couvre en effet qu'un peu plus d'un hectare sur les dix, d'un seul tenant, qu'elle a acquis.

Le courant électrique à haute tension est fourni par l'Electricité et Gaz d'Algérie aux transfor­mateurs de 600 KVA de l'usine qui en abaissent le voltage de 30 000 à 220 et 380 volts suivant les besoins.

Les matières premières nécessaires à la fabrication sont déjà ou seront sous peu d'origine Nord-Africaine où des gisements excellents en qualité ont été mis à jour après des recherches minutieuses et dont l'utilisation a fait l'objet de mises au point dans les laboratoires dotés des moyens les plus modernes qui se trouvent à l'usine.

Dans l'axe de l'usine se trouve un four tunnel électrique double de 80 m de longueur, de cons­truction suisse, dérivé d'un four fonctionnant depuis plusieurs années avec succès à l'usine de Moehlin, filiale suisse du groupe de Niderviller. La Faïencerie de Niderviller possède elle-même un four ana­logue qui est, sans contredit en France, le premier four tunnel de cette importance chauffé à l'élec­tricité.

Les deux fours sont parallèles et à circulation opposée ; le premier sert à la cuisson des articles crus, dite « cuisson de biscuit », le second, à la cuisson d'émaillage, au cours de laquelle le biscuit décoré est recouvert à haute température d'une couche d'émail. Le fonctionnement de ces fours est continu et leur chauffage électrique permet, à l'aide de thermostats, un contrôle rigoureux des tem­pératures des sections successives du four : préchauffage, cuisson proprement dite à une température élevée et refroidissement progressif.

Le fait de ce fonctionnement continu procure de gros avantages d'économie : on évite ainsi les arrêts que nécessitaient les anciens fours à feu qu'on devait successivement charger de marchandi­ses, chauffer pour la cuisson et refroidir pour le défournement,— La cuisson électrique, d'autre part supprime les effets nuisibles des gaz et des poussières sur la faïence, elle augmente sensiblement la qualité de la marchandise produite et la netteté des nuances de décorations ; elle permet enfin de se passer d'opérateurs très spécialisés dont le doigté et l'habileté résultants d'une longue pratique pouvaient seuls atténuer en partie les aléas des cuissons dans les anciens fours ronds.

Une visite de la nouvelle installation de ce four tunnel permet de constater les progrès réalisés par rapport aux anciennes méthodes de cuisson : propreté exemplaire des abords du four. — Circulation automatique des wagonnets chargés avec précision des marchandises à cuire et pénétrant dans le tunnel à la cadence d'une unité par 40 minutes, pour les cuissons de biscuit et 20 minutes pour les cuissons d'émail. Un dispositif de propulsion automatique assure l'avancement à la vitesse désirée, du train des wagonnets pour leur faire parcourir toute la longueur du four et réaliser pendant cette tra­versée : le préchauffage la cuisson et le refroidissement de la marchandise.

Le four tunnel constitue pour le faïencier la partie la plus importante de l'usine dont c'est en quelque sorte le cœur. De sa bonne marche dépend surtout la qualité des articles fabriqués, mais il ne doit pas faire négliger l'ensemble très spectaculaire des machines céramiques nécessaires à la production des objets dont il aura à assurer la cuisson. Ces machines sont elles aussi, les plus modernes et partout où cela a été possible, on a remplacé à la Manufacture Nord-Africaine de faïence, les anciens équipements encore utilisés dans la plupart des faïenceries, par des machines semi-automa­tiques ou automatiques, construites en France ou à l'étranger, au moyen desquelles on obtient un ren­dement considérable tout en augmentant dans une large mesure la qualité et la régularité des objets produits.

Chaque machine est actionnée par un moteur électrique séparé : on supprime ainsi l'ensemble encombrant des arbres de transmission, des poulies, des courroies, sources de poussières et de pro­jections d'huile de graissage. Près de 100 moteurs électriques de puissances variées sont ainsi utili­sés pour répartir dans toute l'usine la force motrice nécessaire.

 

DIFFUSION DES PRODUITS DE LA MANUFACTURE

Sur la base d'une production mensuelle de 135 tonnes qui sera facilement atteinte, les contingents 'théoriques suivants seront affectés aux différents marchés :

Afrique du Nord : 95 tonnes, dont       

Algérie : 8o tonnes — soit,

-         Département d'Oran : 40 tonnes

-         Département d'Alger : 30 tonnes

-         Département de Constantine : 10 tonnes

Maroc : 10 tonnes

Tunisie : 5 tonnes

Exportation : 40 tonnes.

Ces chiffres ne sont pas exagérés si l'on tient compte des besoins du marché algérien d'une part (2 acheteurs oranais se sont déclarés prêts à signer un contrat d'absorption, l'un et l'autre pour leur propre compte de la production complète de l'usine, ce qui n’a naturellement pu être envisagé dans un désir de dispersion de la production) et des besoins de l'exportation outre-mer, particulièrement dans le bassin méditerranéen, où la demande à l'industrie européenne a toujours été grande.

CONCLUSION

Assurée de ne pas avoir à ralentir sa production par manque de commandes la M.N.A.F. dont le président, Directeur général est M. Louis Dryander est une des réalisations dont la vitalité est dès maintenant assurée.

Documents Algériens n°62 - 8 juin 1949 - série économique

(photographies de l'usine d'Oran dont une vue générale)